Journey, un jeu rêveur

Un voyage poétique apaisant & émouvant.

Journey est de ces rares jeux qui sortent du lot et nous font rêver.
Pour vous ou vos enfants.
Sur PS4 ou iPad.

Il est 14h, nous sommes samedi et personne n’est là. Je suis assez blasé par l’ennui de cette journée. À travers la fenêtre, la journée morne se déroule sous la pluie et la neige fondue. Sans conviction aucune, j’allume mon IPad et je fais un tour sur les différentes applis que j’ai. Rien d’intéressant. Peut-être que l’app store saura me porter conseil. Après avoir fais défiler un nombre incalculable d’applis banales, déjà vues, ou inutiles, une image frappe ma rétine et m’accroche avec un mot : Journey.

Journey est le dernier né d’un studio dont les autres jeux sont bien notés, et dont les critiques sont excellentes. La musique, faisant partie intégrante de l’expérience, a été nommée aux Grammy Awards. Sur les images proposées, une petite créature dans un capuchon rouge parcourt le désert dans des décors alliant gigantisme, art arabo-musulman et forteresse tibétaine. 4,99. Je me dis que de toute façon, je n’achète jamais rien. Me laisser dominer par la société de consommation, très peu pour moi. Mais ce jeu à l’air spécial. On nous promet une quête spirituelle, et les décors, ainsi que l’ambiance, ont vraiment l’air à couper le souffle. C’est la dernière chose qui peut sauver ma journée. Allez.

Dans Journey il n’y a aucun dialogue. Votre voix n’est qu’une musique que vous pouvez utiliser pour déclencher des mécanismes. Le silence est très agréable et la musique magnifique. Ce n’est pas un jeu comme les autres. Il se laisse découvrir au gré des envies. Tout n’est que paysage et musique. Ce qui s’y déroule est presque secondaire, tant les lieux, et la manière dont on vous les présente, fascinent.

Vous êtes un personnage qui apparaît mystérieusement au cœur d’un désert, face à une montagne d’où s’échappe une colonne de lumière qui transperce le ciel. Le paysage est chauffé par un sable qui reflète une lumière mordorée éblouissante. Dans ce jeu baigné de soleil, on retrouve une très grande douceur. Votre âme voyage sans trop se poser de questions. Perdus dans cette vaste étendue de sable, sans y paraître, nous sommes dirigés. Il n’y a pas de but apparent, à part le voyage que vous entamez. Après avoir rencontrés une première lumière qui fait agrandir l’écharpe que vous portez autour du cou, vous découvrez que ce tissu lumineux vous permet de voler, et s’éteint après un cours instant. Trouver ces lumières sera votre but pour vous aider à résoudre les énigmes qui composent ce jeu d’aventure.

Les paysages infinis s’enchaînent. Le temps s’écoule sans que j’y accorde de l’attention, tant je suis pris par ce nouveau roman. Car Journey se conçoit comme un livre. Sans dialogue, seuls les paysages et les ruines de cette ancienne civilisation, qui s’échappent des monts de sables, vous laisse imaginer ce qui vous a mené ici. Tout vous porte à réfléchir. Qui suis-je ? Où vais-je ? Qu’est-ce que je fais ? Ces trois questions vous embarquent dans cette quête intérieure que nous connaissons tous. Sans aucune raison, vous avancez et poursuivez votre route en voulant toujours en voir plus, en apprendre plus. Des fresques puissantes de narrations vous donnent des indices sur les âmes qui sont passées avant vous, et qui ont été submergées par la poussière. Même une société qui peut construire de si grandes tours, de si puissantes cités, peut être réduite au vent par la nature. Et vous laisser seul.

Vous continuez votre aventure en terminant le premier niveau; vous rapprochant de cette montagne de lumière qui vous attire. Chaque passage de niveau vous donne l’occasion d’un interlude. Vous atteignez à chaque fois, une stèle représentant vos ancêtres, devant laquelle vous priez. Dans un halo de lumière, comme dans vos rêves, ceux qui sont partis vous montrent les événements du passés. On se retrouve attiré par cette quête du savoir; ces fragment de mémoires qui commencent à dessiner une histoire. Journey est une poursuite du passé. Un voyage vers la lumière.

En glissant et volant sur des vagues de sables, entouré de méduses écarlates, vous plongez littéralement au cœur de cette cité. Vous descendez dans des profondeurs sombres et lugubres. La lumière perce, et laisse apparaître de grandes toiles d’un rouge sang qui s’animent comme des algues. Les paysages mêlent habilement les genres. Dans un décor sec, l’eau se fait omniprésente. La lumière d’un bleu puissant vous transporte dans les abysses.

Cela doit faire une heure que je joue mais je ressens que la temporalité de ce jeu est courte. Qu’il n’est pas fait pour durer. Dans cette légèreté éphémère, le chemin doit être parcouru en une fois. La magie vous supplie de ne pas être rompue. Je voyage avec ce petit personnage chantant, vers cette montagne qui devrait apporter toutes les réponses à mes questions. Pourquoi suis-je seul ? Pourquoi j’avance ? Pourquoi tout est si vide autour de moi ?

Les lieux s’enchaînent. La beauté se mêle à la tristesse. À la peur. Ce qui a détruit cette civilisation et dressé tant de tombes autour de vous, vous poursuit. Vous fuyez vers cette montagne. Vous montez, marchant dans la neige, vers la lumière. Tout autour de vous est gelé et la lumière des tissus s’échappent, pour laisser place à un pourpre glacé. Vos ancêtres vous appellent et vous continuez vers la montagne. Vous montez dans un vent qui se fait glaciale. Vers la montagne.

Je n’étais ni heureux ni triste lorsque le voyage a pris fin – s’il a pris fin – j’étais déjà ailleurs, l’espace d’un instant j’ai eu la sensation d’avoir compris quelque chose. D’avoir été quelque part. Et une partie de mon esprit, voyage encore.

Journey est un jeu qui puise sa force dans une narration qui ne dit pas son nom. Vous vous laissez transporter dans cette histoire que vous imaginez avec le peu de souvenirs que l’on vous donne. La musique est d’une allégorie saisissante des lieux et des ambiances. Lancinante, mélancolique, elle vous fait douter autant qu’elle vous apaise. La vie n’est que succession de lieux et de quêtes de réponses vers la lumière. Et aujourd’hui, j’en ai ressenti quelques unes.

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